
Une fois la notion d’instrument augmenté clarifiée, voyons déjà les augmentations physiques ou mécaniques des instruments. Ceci va nous indiquer les principes de l’augmentation pour mieux comprendre les augmentations instrumentales électroniques.
Nous allons observer deux instruments – le piano et la flûte.
Le piano
Le but du piano-forte, inventé au début du XVIIIe siècle par Bartolomeo Cristofori à Florence, était d’augmenter la dynamique des instruments qu’il fabriquait – des clavecins. Mais finalement, le principe utilisé est celui du clavicorde où la corde est frappée et non pas pincée. Par la suite, et puisque les mains sont occupées pour jouer sur le clavier, la seule solution pour élargir les sonorités du piano-forte est l’ajout de gestes avec les pieds. La première solution est donc de changer le timbre de toutes les notes jouées avec une ou plusieurs pédales. Voici le changement de timbre sur le piano-forte de Mozart, où au lieu des pédales qui n’existait pas encore, on appuyait sur des bouts de bois avec les genoux.
Au 19ème siècle, de nombreux fabricants à Paris rivalisaient d’inventions et de brevets pour augmenter les possibilités sonores du piano en y ajoutant des pédales qui produisait des changements de timbres de toutes sortes.
Par exemple ce piano à tambourin dont il est vanté :
Une pédale mise en mouvement avec plus ou moins de force suffit pour obtenir du Tambourin et de ses clochettes, des effets aussi variés qu'agréables et qui s'unissent harmonieusement aux sons du Piano.
Les Tablettes de Polymnie, Février 1810
Une autre solution est de pouvoir jouer plus de polyphonie en ajoutant un pédalier pour jouer les notes comme sur l’orgue.
Enfin, au 21ème siècle, l’augmentation du piano se fait à l’aide de l’électronique.
Les chercheurs à l’université Queen Mary à Londres, proposent en 2009 l’augmentation du piano à l’aide d’un résonateur magnétique. Les cordes du piano vibrent grâce aux électroaimants installés au-dessus de celles-ci. Il est alors possible de changer la dynamique d’un accord une fois la note jouée – ce qui est totalement inédit sur le piano.
La flûte
La flûte traversière, au départ en bois, a traversé de nombreux changements dont l’un des buts était de rendre son volume sonore plus fort. C’est en 1832 que Theobald Böhm construit la première version de son système pour la flûte traversière. Il augmente considérablement la puissance sonore de l’instrument et introduit un système des clés portant son nom.
Dans les années 1980, on mène des recherches à l’IRCAM, dont le but est d’augmenter la palette sonore de la flûte traversière. La solution – la flûte MIDI – consiste en la mise en place d’interrupteurs sur les clés de la flûte. Ceci permet de commander l’ordinateur avec un doux nom, la 4X, par le simple jeu des doigts du flûtiste. Le musicien joue donc de son instrument normalement et produit le son de la flûte. Par contre, l’ordinateur reconnaît les clés sur lesquelles le musicien appuie pendant son jeu. Par conséquent l’ordinateur peut faire les transformations du son de la flûte qui est capté par un microphone.
Ce procédé a l’avantage de ne pas perturber le musicien dans son jeu et pourtant l’augmenter. Par contre toute la procédure de l’augmentation se fait par un logiciel de l’ordinateur et le musicien ne peut pas intervenir dessus.

Mais l’arrivée des ordinateurs et du traitement dit « temps réel » n’exclut pas les augmentations physiques de la flûte. En 1992, le flûtiste américain Robert Dick propose un premier prototype de transformation de la flûte qui lui permet de jouer les glissandi. La fabrication commence en 2002, et il est intéressant de noter que l’idée lui est venue après les concerts de Jimi Hendrix où celui-ci joue le whammy bar sur sa guitare électrique. Le whammy bar est une vibrato contrôlée par une barre métallique sur la guitare.
Il est bien sûr possible d’augmenter aussi bien la flûte que le piano avec le Sampo. Partant du même principe que le pianoforte de Mozart – que les mains sont occupées – le Sampo utilise des pédales d’expression pour moduler le son de l’instrument. Contrairement à la flûte MIDI, c’est l’interprète qui contrôle les transformations sonores de son instrument et maîtrise ainsi la performance dans sa totalité.